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[linux] Philosophie MS -> brevets -> monopoles



Voici, pour être tout à fait clair, un article du "grand maître" Roberto Di
Cosmo très explicite sur les brevets, avec un exemple pratique pour ceux qui ne
seraient pas encore convaincus...

    C'est un peu long, mais je vous jure que ça vaut la peine !!!!!

(j'ai fait un copié/collé, car j'ai ça en html)
(NB: je n'ai plus les liens (numéros entre crochets), sorry)
(désolé pour la longueur, mais comme dit plus haut, meilleur que ça...)


Le pays des TechnoCrétins...
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Pour rendre la chose plus claire, oublions un 
instant les ordinateurs, les logiciels et tout ça : nous avons été
conditionnés à considérer ces choses-là comme utiles, mais
difficiles, c'est-à-dire à renoncer à nous former une opinion
personnelle là-dessus, parce que c'est, nous dit-on, trop complexe, et
que nous devons nous limiter à suivre les choix opérés par les
soi-disant experts (d'ailleurs, sur la revue américaine Byte, qui
connait une large diffusion, il y a même un logo «Byte, because the
experts decide» (Byte, parce que les experts décident)).

Nous laissons donc un instant ces experts de côté pour
aller voir ce qui se passe dans le monde parallèle imaginaire des
TechnoCrétins où une entreprise, appellons-la MacroPresse, obtient
peu à peu le contrôle absolu de toutes les imprimeries de la
planète. Elle ne contrôle pas directement les journaux, mais c'est
elle qui les imprime, avec des caractères MacroPresse, dont elle est
la seule propriétaire. 

Un beau jour, après une grande campagne
publicitaire qui tresse les louanges d'un nouveau jeu de caractères
qui permettra d'obtenir des journaux plus modernes, elle commence à
tout imprimer avec des caractères klingoniens (l'alphabet des Klingons
dans la fameuse série Star Trek) de telle sorte que personne n'arrive
plus à lire les nouveaux livres ou journaux sans avoir recours à la
Loupe MacroPresse, disponible à la vente dans tous les kiosques, où
elle est distribuée aux frais des éditeurs de journaux. Le public,
ravi de la merveilleuse nouveauté technologique, s'adapte et achète
la Loupe.

Encouragée par le succés de cette initiative,
MacroPresse commence à changer le jeux de caractères
périodiquement, tous les ans, puis tous les six mois: la vieille Loupe
n'arrive pas à lire les nouveaux journaux, et il faut la renouveler
à grands frais tous les deux ou trois mois. Un compétiteur de
MacroPresse voit là une occasion en or : produire une MiniLoupe bien
moins chère que la Loupe MacroPresse et la vendre dans les kiosques.
Mais les kiosques ont un contrat d'exclusivité avec MacroPresse, et
refusent de la distribuer. Pire, MacroPresse traîne en justice le
compétiteur, qui est coupable d'avoir analysé les caractères
klingoniens afin de construire la MiniLoupe, en violation du copyright
de MacroPresse, et gagne.

... n'est pas si loin
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Mais quels idiots, direz vous, ici personne 
ne se laisserait faire à ce point là. Eh bien, sachez que le monde des
TechnoCrétins n'est pas bien loin: il y a deux ans, j'ai voulu
soumettre à la UE une demande de financement pour la visite d'un
chercheur anglais dans notre laboratoire. Pour cela, je cherche à
obtenir le formulaire, et on me dit que la façon la plus simple de
procéder est de les télécharger sur le serveur de
la communauté européenne, le délai pour recevoir la copie papier
n'étant pas négligeable. Je tombe ainsi sur un document que l'on
appellera et qui est écrit avec Microsoft Word for
Windows version quelque chose. En klingonien, quoi. Pas de problème,
me dis-je, on a bien quelque MacIntosh dans le laboratoire avec la Loupe
Microsoft Word version 6.0. C'est de la même entreprise, et plus
récente, donc il saura bien le lire. Cette phrase a été
prononcée vers 10 heures du matin.C0 ma grande surprise, Microsoft
Word sur le MacIntosh, après une dizaine de minutes de «conversion», 
bloque la machine, et je suis obligé de l'éteindre et de la
rallumer, en perdant mon travail.

Là commence une véritable bataille avec la Loupe, d'où
je suis sorti vainqueur, mais épuisé, vers 19h, avec une version du
formulaire remplie, obtenue en imprimant une page à la fois avec des
manipulations complexes dont je vous passe les détails; il suffira de
dire que j'avais une très grande envie de traîner quelqu'un en
justice, mais sans grand espoir d'y arriver. Tout ça pour quoi? Pour
un formulaire extrêmement simple avec des champs Nom, Prénom etc.
que l'on aurait pu préparer très facilement avec un format de
fichier libre tel le HTML utilisé depuis 1991 sur le Web. Cependant,
en deux ans, n'a rien changé : le site est bien plus
joli, mais les formulaires et documentations contenant de l'information
qui doit être libre et gratuite, et qui est d'importance vitale, sont
encore présentées seulement dans des documents au format propriétaire, typiquement Microsoft et, incroyable mais vrai,
compatibles seulement avec les produits Microsoft pour PC.

En conséquence, notre laboratoire va 
bientôt acheter un gros PC avec Windows 95 et Office dont on se serait bien passés, et seulement pour pouvoir lire les documents de la UE. La Loupe
klingonienne avance.

De plus, comme pour la Loupe, le format des fichiers change
de version en version, de telle sorte que Word 5.0 ne peut rien faire
avec les fichiers Word 7.0, et pire le Word 6.0 sur Mac a du mal à
lire Word for Windows. On est carrément piégés! Il ne suffit pas
d'acheter Microsoft Word une fois, on dois le payer à nouveau à
chaque version, juste pour pouvoir continuer à lire les fichiers
nouveaux des autres, et si par hasard on avait acheté un produit
complémentaire pour la version 5.0, par exemple un dictionnaire en
espagnol, il faudra l'acheter à nouveau dans la nouvelle version, le
vieux étant« incompatible», alors que l'espagnol n'a pas
changé entre-temps. Notez bien qu'il s'agit d'un vrai et propre
kidnapping de votre information : une fois les données rentrées dans
Word ou Money, pas moyen de récupérer facilement tout le travail que
vous avez fait pour le transférer dans un autre logiciel si vous
voulez ne plus acheter de produits Microsoft. On a bien veillé à ne
pas vous fournir des convertisseurs efficaces vers d'autres formats, et
on a de plus fait passer des lois qui interdisent d'utiliser le format
de fichier propriétaire, ou même de l'analyser, en sorte qu'une
entreprise qui vendait une MiniLoupe convertisseur serait coupable de
violation de Copyright. Or, c'est bien de nos données qu'il s'agit.
Nous voilà en plein TechnoCrétinisme!
Pratiques douteuses

Résumons, la technique est simple : d'un côté, on
piège les consommateurs en kidnappant leur précieuse information
dans un format propriétaire en constante remise en cause qui les
oblige à acheter tous les six ou douze mois une mise à jour de
toutes leurs applications juste pour pouvoir continuer à lire leurs
propres données ou accéder à des informations qui n'auraient
nullement besoin d'être présentées sous ce format propriétaire.
De l'autre côté, on piège les compétiteurs : on ne leur donne
pas la documentation et on introduit des variations arbitraires dont le
seul but est de ne pas permettre aux produits qu'ils développent de
fonctionner correctement. Mieux, si les concurrents arrivent à
découvrir qu'une de ces modifications avait pour seul but de faire
fonctionner leur produit moins bien que le produit équivalent chez le monopoliste, ils sont condamnés pour avoir fait du« reverse
engineering» (ingénierie à rebours, l'équivalent informatique
de démonter le moteur d'une Twingo pour voir comment il est fait).

Cette dernière technique est spécialement puissante si
l'éditeur de logiciel détient à la fois le système
d'exploitation (Windows 95) et les applications (MS Word, Excel etc.) :
il est alors techniquement parfaitement possible de modifier le
système pour rendre instables ou inutilisables les produits
concurrents, tout en améliorant les prestations de ses propres
produits. Cela a été fait dans Windows NT Workstation : on limite
artificiellement à 10 les accès simultanés à la machine, ce qui
rend inutilisable un serveur Web Netscape sur NT Workstation (voir [12]
et [13]). Il faut alors acheter le beaucoup plus cher NT Server qui est
déjà livré avec un serveur Microsoft officiellement offert pour
zéro francs, ce qui met Netscape hors jeu (quand vous saurez de plus
que les parties payantes de NT Workstation et NT Server sont exactement
les mêmes programmes, comme documenté dans [14] et [15], à
quelques lignes de code près, vous comprendrez la machiavélique
simplicité de la manoeuvre pour Microsoft !).

Le résultat net de ces pratiques douteuses est simple :
vous empêcher de choisir autre chose qu'un produit Microsoft. Cela
permet, avec la réduction à zéro des coûts et des risques vue
plus haut, d'établir une vraie taxe sur l'information dont Microsoft
est le seul et unique bénéficiaire. Finalement, si Bill Gates a
été reçu avec les honneurs dignes d'un chef d'Etat à
l'Elysée, ça doit bien être parce qu'il s'agit de la visite de
la version cyber du percepteur des impôts. Un impôt qui n'a rien de
virtuel: des chiffres énormes sortent de la Communauté européenne
chaque année en contrepartie de produits de mauvaise qualité qui
nous rendent de plus en plus dépendants de la mauvaise technologie
d'outre-Atlantique, et qui de plus sont distribués en Europe à des
prix exorbitants bien supérieurs aux prix américains ou canadiens.
Ne vous laissez pas prendre ici au jeu de ceux qui vous disent que les
logiciels en Europe sont plus chers parce qu'il faut les traduire, par
exemple en Français : si vous visitez le site Web de Microsoft, vous
apprendrez qu'ils considèrent« illégal» (sic!) d'acheter leurs
logiciels version française au Canada, où ils sont bien moins chers
qu'ici, et de les utiliser en France [16]. Et le « libre » marché?
On nous considère comme des vaches à lait, et la passivité des
gouvernements européens, qui commence à ressembler un peu trop à
une coopération active si on pense à , face
à cette véritable spoliation est absolument inexplicable.



Cybersalutations
Benjamin Gonay


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